L’île de Saint-Martin
De la préhistoire à 2017 : frise chronologique des grandes périodes historiques
Les traces les plus anciennes de vies humaines sur l’île de Saint-Martin remontent à 3 350 ans avant J-C. cette date est la plus ancienne de toutes les Petites Antilles. Ces premiers groupes humains, Méso-indiens étaient semi-nomades et se déplaçaient souvent d’une île à l’autre. Ils étaient chasseurs, pêcheurs et consommaient de nombreux coquillages. A ces premiers habitants succèderont différentes cultures de populations sédentaires avec une parfaite maitrise de la poterie en terre cuite. Les plus anciennes céramiques des îles antillaises ont été découvertes à Saint-Martin sur le site archéologique de Hope Estate et sont datées de 560 ans avant J-C. au fil des siècles de nombreux groupes culturels différents se succédèrent sur l’île jusqu’en 1600 Après J-C. Les derniers Arawaks de Saint-Martin étaient installés à Baie Rouge et disparurent une centaine d’années après le début de la colonisation des îles par les espagnols.
PlusLorsque les premiers colons français et hollandais débarquent sur l’île de Saint-Martin en 1627 celle-ci est déserte. Ils commencent alors la production de tabac, de coton et de manioc, produits déjà cultivés par les populations indigènes. Les Espagnols arrivent sur l’île en 1633 avec une garnison de 250 soldats qui s’installe à la pointe sud-ouest de Great Bay. Ils se maintiendront jusqu’en 1647 puis recevront l’autorisation d’abandonner l’île de Saint-Martin l’année suivante, l’île étant jugée sans richesses suffisantes par les autorités espagnoles.
PlusLe 23 mars 1648, hollandais et français s’accordent sur la partition de l’île et signent le traité du mont des Accords ou traité de Concordia, partageant les ressources naturelles et minérales et promettant de se prêter main forte en cas d’attaque ennemie. Dès lors les colons vont se livrer à la récolte du sel, au développement des plantations et à la construction des routes, sentiers, ports et villages marquant aujourd’hui encore le territoire. L’introduction de la canne à sucre dans la première moitié du 18ème siècle permettra le développement d’une économie florissante et provoquera l’arrivée massive d’esclaves africains. Ce sont essentiellement des colons d’origines britannique ou irlandaise qui s’établiront à Saint-Martin pour démarrer l’industrie du sucre. Ces sucreries au nombre de 35 au plus fort de la demande, cesseront leur activité à la fin du 19ème siècle presque 50 ans après l’abolition définitive de l’esclavage dans toutes les colonies françaises le 27 avril 1848. Les Saint-Martinois devront émigrer sur les îles et pays voisins pour subvenir aux besoins de leur famille.
PlusDurant la seconde guerre mondiale les américains débarqueront à Sint-Maarten pour y installer une base aérienne de ravitaillement. Dix ans après la fin de la guerre, les premiers touristes américains viennent à Sint-Maarten dans le premier hôtel resort et casino construit à Little Bay. L’industrie touristique va peu à peu remplacer l’économie des plantations, dans un premier temps dans la partie hollandaise puis dans la partie française dans les années 70 et surtout avec la loi Pons en 1985 qui favorise l’investissement outre-mer par des dispositifs de défiscalisation. La population de Saint-Martin est passée de 8000 habitants au début des années 1980 à 38000 en 2010. Cette forte augmentation s’explique notamment par les flux migratoires provenant d’îles de la Caraïbe, principalement d’Haïti et de République Dominicaine, mais aussi d’Europe principalement de France.
PlusL’île de Saint-Barthélemy
Saint-Barthélemy est investi au 17è siècle par l’arrivée de colons normands en provenance de Saint-Christophe, rejoints par la suite par des populations originaires de l’ouest métropolitain (Sanguin, 1981).
Après plus d’un siècle sous domination française, la France cède l’île à la Suède (en 1877) qui lance le développement du territoire, notamment avec le statut de port franc (exonération douanière et fiscale), avant de la rétrocéder un siècle plus tard à la France (rattachement à la Guadeloupe).
La France a poursuivi cette volonté de développement en accordant à l’île un régime de franchise commerciale, douanière et fiscale. Saint-Barthélemy devient alors « brutalement une double périphérie : ultime périphérie de l’empire colonial français d’une part et d’autre part périphérie au sein même des Antilles françaises avec un rattachement administratif à l’archipel guadeloupéen situé à 230 kilomètres plus au sud » (Theng, 2014). Depuis la rétrocession jusqu’au milieu des années 1940, l’administration coloniale quasi absente « favorise le développement d’une culture d’auto-administration » (Hyest et al., 2005).
En 1946, Saint-Barthélemy est rattaché au régime juridique de la Guadeloupe, puis forme en 1963 avec Saint-Martin l’arrondissement des îles du nord.
Enfin en 2007, la commune de Guadeloupe devient une Collectivité d’Outre-Mer (COM) puis en 2012 un Pays et Territoires d’Outre-Mer (PTOM) dans l’espace européen, ce qui a accru son autonomie. L’évolution du statut est ponctuée de mesures fiscales favorables au développement territorial (droit de quai, pas de contribution de l’octroi à la mer, « loi Pons », pas de TVA, et toujours statut de port franc, etc.) compensant l’autonomie financière.
La notion de vulnérabilité peut se définir au sens large comme :
“la propension variable d’une société donnée à subir des dommages en cas de manifestation d’un phénomène naturel ou anthropique” D’Ercole (1994).
La démarche la plus couramment employée pour étudier cette vulnérabilité largo sensu semble être celle de l’analyse des facteurs qui concourent à son existence, selon une approche plutôt qualitative qui est décrite en règle générale par des sociologues, des économistes, des psychologues, des historiens et des géographes (Leone, 1996).
Les facteurs de vulnérabilité
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Données utilisées et procédé méthodologique
La datation du bâti à quatre dates différentes (1969, 1984, 1999 et 2017) autorise une première analyse des évolutions territoriales et des vulnérabilités liées. L’étude est effectuée à partir :
des images aériennes fournies par l’IGN et géoréférencées sous le logiciel de SIG QGIS.
Les bâtiments sont quant à eux extraits de la BD TOPO (2017) de l’IGN.
Un champ date a été ajouté à la table attributaire de la couche bâti et complété par l’année d’apparition de chacun d’entre eux. La photo-interprétation a donc été réalisée à fine échelle mais son application rencontre des limites. Les bâtiments d’une surface inférieure à 9m² n’ont pas été préservés car ils ne sont pas considérés comme des habitations d’un point de vue légal. Au total, 15 007 bâtiments ont été datés. Enfin, l’outil tampon a été utilisé pour définir des poches d’année de constructions homogènes.
Observations
Pour 1969, les constructions se concentrent dans les quartiers de Marigot, Rambaud, Cul-de-Sac, Grand-Case et d’Orléans Quelques bâtiments apparaissent également de manière très clairsemée à Cul-de-Sac, Sandy-Ground et à proximité de la Pointe du Bluff.
Entre 1969 et 1984, les contours de nouveaux quartiers (Terres Basses, Saint-Louis, Morne O’Reilly, la Savane) se dessinent tandis que d’autres (Grand-Case, Orléans, Cul-de-Sac, Marigot) se développent. Des ports de plaisance sont créés : deux à Marigot, un à Anse Marcel et un à Oyster Pond. L’aéroport de Grand-Case est également construit.
De 1984 à 1999, l’urbanisation accélère nettement. L’ensemble des quartiers de l’île se développe, le port de commerce de Galisbay est construit. L’urbanisation se poursuit jusqu’en 2017, pour atteindre environ 15 007 bâtiments avant le passage d’Irma contre 1 463 en 1969. Le plus fort taux d’urbanisation s’observe sur la période 1984-1999 (+65%), période durant laquelle sont construits plus de 4600 bâtiments selon les observations.
De 1999 à 2017, l’urbanisation se poursuit autour des zones existantes et gagne les hauteurs sur les mornes.
Carte de l’évolution de l’urbanisation à Saint-Martin
Pour plus d’informations contacter Frédéric Leone, directeur du mémoire d’ A. Barbier.
Afin d’illustrer l’évolution de l’urbanisation depuis les années 50 à Saint-Martin, des images aeriénnes anciennes ont été collectées sur l’application “remonter le temps” de l’IGN. La carte ci-dessous présente la localisation de ces images aériennes par secteurs. Les comparatifs “avant/après” sont classés dans le sens des aiguilles d’une montre en partant du secteur le plus au nord, Anse Marcel.
Evolution du littoral d’Anse Marcel (Saint-Martin). A gauche de l’écran, l’image aérienne date de 1947. A droite de l’écran, l’image aérienne date de 2015 et illustre l’évolution de l’urbanisation sur le littoral d’Anse Marcel.
Evolution du littoral d’Anse Cul-de-Sac (Saint-Martin). A gauche de l’écran, l’image aérienne date de 1947. A droite de l’écran, l’image aérienne date de 2015 et illustre l’évolution de l’urbanisation sur le littoral d’Anse Cul-de-Sac.
Evolution du littoral de Baie-Orientale (Saint-Martin). A gauche de l’écran, l’image aérienne date de 1947. A droite de l’écran, l’image aérienne date de 2015 et illustre l’évolution de l’urbanisation sur le littoral de Baie Orientale.
Evolution du du quartier d’Orlean (Saint-Martin). A gauche de l’écran, l’image aérienne date de 1947. A droite de l’écran, l’image aérienne date de 2015 et illustre l’évolution de l’urbanisation sur le secteur du Quartier d’Orléan.
Evolution du quartier de Sandy Ground (Saint-Martin). A gauche de l’écran, l’image aérienne date de 1947. A droite de l’écran, l’image aérienne date de 2015 et illustre l’évolution de l’urbanisation sur le secteur de Sandy Ground.
Evolution de Marigot (Saint-Martin). A gauche de l’écran, l’image aérienne date de 1947. A droite de l’écran, l’image aérienne date de 2015 et illustre l’évolution de l’urbanisation sur le secteur de Marigot.
Evolution de Grand-Case (Saint-Martin). A gauche de l’écran, l’image aérienne date de 1947. A droite de l’écran, l’image aérienne date de 2015 et illustre l’évolution de l’urbanisation sur le littoral de Grand-Case.
L’île de Saint-Martin reste marquée par de fortes disparités socio-économiques que l’on retrouve dans l’arc antillais (Audebert, 2011). La mono activité touristique rend vulnérable économiquement le territoire qui affiche par ailleurs un taux de chômage déclaré de 33 %. La croissance démographique découle surtout de flux migratoires jusqu’à la fin des années 2000 (17 % pour la période 1982-90). La population immigrée représentait plus de 30 % des habitants de l’île, apportant des influences culturelles diverses (caribéennes, européennes, américaines) sur fond d’identité saint-martinoise, dominée économiquement par les métropolitains.
Saint-Barthélemy affiche des indicateurs de développement favorable dans le contexte insulaire caribéen de PIED (Petits Etats Insulaires en Développement). Ses indicateurs sont majoritairement très proches des indicateurs de la France métropolitaine. Ses atouts la placent, dans le modèle de SITE (Small (warm water) Island Tourist Economies) (McElroy, 2006 cité in Dehoorne, 2014) défini comme des :
« petites îles qui tirent ainsi avantage de leur taille (…) et de leurs liens économiques privilégiées avec des métropoles dominantes pour s’imposer sur le marché touristique dans une économie mondialisée » (Dehoorne, 2014 : 15).
Pyramide des âges des îles de Saint-Martin, Sint-Maarten et Saint-Barthélemy
La population recensée par l’Insee à Saint-Martin s’établit à 35 746 habitants en 2016. Elle est relativement stable depuis 2011 et relativement jeune. En 2016, 26,4 % des habitants de Saint-Martin sont âgés de moins de 14 ans, alors que cette part s’élève à 19,4 % en Guadeloupe et à 18,3 % au niveau national. De même, les personnes âgées d’au moins 60 ans représentent 12,2 % de la population (respectivement 23,5 % et 25,2 % en Guadeloupe et en France). La population est toutefois en vieillissement. La part des jeunes de 14 ans et moins, est en baisse de 5,5 points depuis 1999 et celle des personnes âgées d’au moins 60 ans progresse de 6,1 points.
En 2016, la population de la partie néerlandaise de l’île est estimée à 39 410 habitants. Elle suit une dynamique proche de celle de la partie française jusqu’au début des années 2010.
Sur la partie néerlandaise de l’île, la répartition de la population en 2016 laisse apparaître une structure par âge très proche de celle de la partie française.
N.B : Selon le rapport d’activité des services de l’État à Saint-Martin de 2016, au chiffre officiel de la population pourrait s’ajouter celui de 8 000 clandestins côté français. La population de la partie française de l’île avoisinerait ainsi 44 000 habitants. Selon ce même rapport, cette situation serait similaire du côté néerlandais de l’île, pour lequel 15 000 personnes seraient en situation irrégulière, portant la population à près de 55 000 habitants.
Au total, en prenant en compte les populations officielles et les estimations de populations clandestines, l’île dans son ensemble compterait environ 100 000 habitants.
L’île de Saint-Barthélemy avec sa petite superficie (21 km²) abrite un peu moins de 10 000 habitants (9625 en 2017 selon l’Insee). Le bilan démographique montre une constante augmentation depuis un demi-siècle avec un pic de croissance du début des années 1980 au début des années 2000. La structure de la population se caractérise par une population jeune avec un âge moyen de 38 ans (15,2% de la population a moins de 14 ans et 10% plus de 60 ans). Le taux d’activité est élevé (87,4% en 2015) et le taux de chômage faible (4,2% en 2015). La population se compose de natifs mais aussi de nombreux métropolitains qualifiés de « néo-Saint-Barts » (Chardon et Hartog, 1995) et antillais. En 2011, la population étrangère représentait près de 15% de la population (IEDOM, 2015) pour près de 40 nationalités différentes, avec une large proportion de portugais (plus de la moitié en 2008).
Répartition des catégories socioprofessionnelles de Saint-Martin
Source des données : INSEE consulté en 2019 et IEDOM
Saint-Martin présente les caractéristiques d’une économie tertiaire orientée vers le tourisme. L’agriculture, l’élevage, la pêche et l’industrie ne constituent que des activités marginales n’ayant qu’un très faible impact sur l’économie de l’île. Le taux d’activité y est élevé (75,2 % d’actifs) mais le chômage ne cesse de progresser et concerne plus d’un tiers des actifs (35,2 %).
Répartition des catégories socioprofessionnelles de Saint-Barthélemy
Source des données : INSEE consulté en 2019 et IEDOM
Le PIB par habitant de Saint-Barthélemy est estimé à 35 700 euros en 2010, en nette augmentation depuis 1999 (26 000 euros), le plus élevé après les îles Caïmans, et au-dessus des îles vierges britanniques, bien plus que sa voisine Saint-Martin (14700 euros) et que la Guadeloupe (18919 euros). Le PIB reste supérieur à la moyenne de la France métropolitaine (29905 euros), mais il est parfois inférieur à certaines régions de la métropole comme l’île de France) (CEROM, 2014).
Cartographie des enjeux en zone à risque pour les îles du nord
D’un point de vue politico-administratif, le constat mené depuis l’accession au statut de collectivité en 2007, rend compte des difficultés effectives sur le territoire. Le cyclone Irma a dégradé plus encore la situation. Par exemple, l’activité touristique en a largement souffert ; peu d’hébergements touristiques étant remis en état pour la saison touristique 2017-2018 (nov-avril) (source : terrain oct 2017) et la moitié environ pour la saison 2018-2019 (source COM Saint-Martin). Saint-Martin présente des facteurs de vulnérabilité forte qu’ils soient physiques, politico-administratifs ou socio-économiques même si elle reste une île attractive avec un PIB par habitant estimé parmi les dix plus élevés de la zone Caraïbe.
Accélérée par les lois de défiscalisation, la transformation du territoire saint-martinois s’est traduite par une augmentation des espaces urbanisés aux dépens des surfaces agricoles. L’agriculture d’exportation basée sur la production de tabac, de coton, de canne à sucre ou bien encore de gingembre s’est essoufflée à partir de 1848. C’est effectivement l’abolition de l’esclavage qui met fin à la main d’oeuvre servile. L’industrie du sucre est alors totalement abandonnée et l’économie de l’île commence à ralentir avant que ne se développe l’économie touristique au milieu du XXe siècle. Entre ces deux modèles économiques, le nombre d’habitants augmente de 250 % en 5 ans, passant de 8 072 à 28 518 âmes entre 1986 et 1990. Les lois de défiscalisation relatives aux constructions (Pons, 1986 ; Paul, 2001 ; Girardin, 2003 ; Scellier, 2009 ; Duflot, 2014, Pinel, 2015) favorisent cette mutation et accompagnent l’augmentation du nombre de constructions. Sans réel contrôle de l’Etat en matière d’urbanisme ni gestion des permis de construire, les établissements se sont diversifiés et multipliés côté français, remplissant « tous les interstices disponibles ».
Les enjeux illustrés par une photo avant/après du passage d’Irma sur le secteur d’Anse Marcel
Vue de l’Anse Marcel avant/après le passage du cyclone Irma en septembre 2017.
Une enquête a été menée auprès des populations locales sinistrées de différents quartiers sur l’île de Saint-Martin. Elle a permis de suivre la résilience des populations, d’analyser les adaptations (ou non) en vue d’une préparation à une crise future. Mais il s’agit également pour les scientifiques et les institutions de s’enrichir des expériences et des savoirs des populations. Les entretiens menés à Saint-Martin, ont montré une bonne connaissance des phénomènes cycloniques et des consignes associées, ainsi qu’une préparation à traverser l’évènement. Toutefois, Irma a dépassé l’aléa de référence (Luis, 1995) pour lequel les populations s’étaient préparées. Les dommages ont révélé et/ou exacerbé des vulnérabilités existantes lesquelles questionnent les processus de reconstruction.
Dans cette étude, la dimension individuelle de la gestion de crise est analysée à travers les questionnements suivants :
les individus participent-ils (ou non) à la gestion de crise (directement et indirectement) et comment ?
Quels mécanismes individuels les populations ont-elles déclenché ou non à l’approche du cyclone Irma ?
Quelles ont été les attitudes pendant et immédiatement après le passage du cyclone ?
Les mécanismes (anticipation, préparation, protection) peuvent-ils émaner exclusivement des populations ou s’intègrent-ils forcément dans des processus collectifs ?
Déroulé de l’enquête
L’échantillon
L’enquête a été réalisée auprès de 102 personnes à Saint-Martin et 17 personnes à Saint-Barthélemy. Ces entretiens ont été menés en binôme et en français. Ils ont duré entre 30 minutes et 2 h 30. L’accueil a été très favorable, avec un taux de retour proche de 100%. Ces îles sont peuplées de natifs, d’antillais, de métropolitains et d’immigrés. L’échantillon couvre l’ensemble de ces populations. Une répartition quasi égale entre hommes et femmes (adultes) a été respectée. Sur le total des interrogés, trente habitent dans la frange littorale exposée à la houle cyclonique. La thématique générale sur le vécu et la préparation aux cyclones, et au cyclone Irma en particulier, s’est articulée autour des trois temps de la crise. Sur la base des entretiens semi-directifs, des relances étaient définies mais avec le moins d’interventions possibles des enquêteurs, dans l’objectif de laisser le sujet s’exprimer.
L’entretien était introduit par une phrase générale « racontez-nous comment vous avez vécu le cyclone, avant-pendant-après ».
Qu’avez-vous fait avant l’arrivée du cyclone Irma ?
Nuage de mots représentifs des réponses à l’enquête sur la phase précédant l’arrivée du cyclone Irma
Les résultats des entretiens ont montré une population qui déclare s’informer dès le début de la saison cyclonique avec un suivi régulier des vigilances météorologiques plusieurs fois par jour à l’approche du cyclone. Ce qui ressort de cette phase est qu’au passage du cyclone sur leur territoire, les populations se confinent.
Qu’avez-vous fait pendant le passage du cyclone Irma ?
Nuage de mots représentifs des réponses à l’enquête pendant le cyclone Irma
Les personnes interrogées ont montré une bonne connaissance des phénomènes naturels et ont identifié le début et la fin de l’évènement grâce aux manifestations naturelles, principalement la force du vent et dans une moindre mesure les précipitations. Ils ont évoqué deux phases de vent (avec direction contraire) et de pluie avant et après le passage de l’œil du cyclone, synonyme d’accalmie.
Qu’avez-vous fait après le passage du cyclone Irma ?
Nuage de mots représentifs des réponses à l’enquête après le cyclone Irma
Plusieurs facteurs ont entravé l’implication individuelle, de fait limitée puisque dépendante de mécanismes collectifs. La phase de récupération a également été freinée dans sa dimension individuelle à cause des délais parfois très longs des expertises et indemnisations des assurances.
La majorité des personnes interrogées ont parlé de solidarité entre voisins notamment, ou avec des restaurateurs qui ont partagé leur stock de nourriture, ainsi que des aides en provenance de la Guadeloupe, la Martinique et la métropole. Plusieurs personnes ont aussi été surprises de l’attitude individualiste (chacun pour soi). Beaucoup ont considéré que les pillages ont fait plus de mal que le cyclone.
Portraits de personnes interrogées lors du RETEX dans le cadre du projet TIREX
L’implication des populations couvre la temporalité de la crise avant, pendant et après. Cependant leurs capacités et capabilités se limitent à la phase post-crise. La préparation des populations doit s’orienter vers une participation active à des exercices de crise permettant une base de connaissances et de réflexes communs et ainsi « incorporer la connaissance acquise » (Gaillard, 2005) lors des retours d’expérience. Recueillir le récit des populations participe à la mémoire du risque et montre des populations actives dans la préparation de gestion de crise. |
La prévention doit porter sur la connaissance des risques mais également sur les mesures pratiques, politiques et économiques à prendre pour réduire les risques. La prévention est une culture à inculquer et à soutenir pour parvenir à modifier certaines pratiques. La connaissance autour de la prévention et de la réduction des risques peut être fragmentaire voire perdue si elle n’est pas accessible et partagée. Le manque de collaboration et de communication constitue autant d’obstacles au partage du savoir scientifique.
L’attention ne doit pas seulement être portée sur les processus physiques des aléas mais également sur la vulnérabilité sociale et les capacités de résilience des sociétés.