Impacts des cyclones aux Antilles du 17e siècle à 2018

Impacts des cyclones aux Antilles du 17e siècle à 2018


Histoire des cyclones aux Antilles

Comment et où se forment les cyclones ?

Un cyclone tropical est une perturbation tourbillonnaire constituée par des formations nuageuses importantes et épaisses, accompagnées de pluies et d’orages, d’assez grande échelle liée à une zone de basses pressions atmosphériques en surface. Ils s’étendent sur 500 à 1 000 km et leur centre, appelé œil du cyclone, est bien visible sur les images satellitaires. D’un diamètre généralement de 30 à 60 km (parfois jusqu’à 150 km), cet œil est une zone d’accalmie (pas de pluie, vent faible) (MétéoFrance, consulté en 2019).


Pour qu’un cyclone se développe, il faut que soient simultanément présents :


Un cyclone est une forte dépression prenant naissance au-dessus des océans de la zone intertropicale. C’est un phénomène tourbillonnaire qui s’accompagne de vents violents dépassant les 118km/h et de pluies torrentielles à l’origine de nombreux dommages humains, environnementaux et matériels.
Les cyclones se développent au-dessus des bassins océaniques tropicaux dont la température atteint environ 26°C sur les 60 premiers mètres. La remontée d’importantes quantités de vapeur d’eau vers les hautes couches froides de l’atmosphère est à l’origine d’épais nuages chargés en humidité. Sous l’effet de la force de Coriolis, cette masse se met à tourner et à se déplacer dans le sens antihoraire dans l’hémisphère nord et dans le sens horaire dans l’hémisphère sud. La vitesse de déplacement d'un cyclone varie entre 20 et 40 km/h mais dépasse rarement les 25 km/h. Le tourbillon cyclonique continue donc de se charger en puissance au cours de cette lente dérive, avant d’atteindre une énergie pouvant être équivalente à l'explosion d'une bombe nucléaire de 10 mégatonnes toutes les 20 minutes (NOAA, 2014).
Les vents générés peuvent avoisiner les 300 km/h au centre. La force de pression alors exercée sur un mur vertical est de l’ordre de 450 kg par mètre carré. Les effets du vent sont donc fonction de la vitesse des rafales, mais également de la résistance des obstacles. La topographie et l’agencement des bâtiments dans les villes peuvent notamment provoquer des phénomènes d’accélération du vent (effet Venturi).
Structure interne d'un cyclone (MétéoFrance, consulté en 2021)


Cyclolyse
La trajectoire d’un système cyclonique est irrégulière et fonction de paramètres complexes (présence de masses froides ou chaudes, courants marins, etc.). Dans le cas de l’Atlantique par exemple, un cyclone s’infléchit généralement vers le nord-est avant d’être repris dans certains cas par un flux d’ouest et de se transformer en perturbation tempérée (Météo France, 2003). Etant donné qu’un cyclone possède une force d’inertie relative à sa masse, sa trajectoire ne peut pas complètement dévier sur un court laps de temps. Elle peut néanmoins s’infléchir sous l’influence de différents paramètres topographiques et météorologiques (dépressions, anticyclones, cisaillement du vent, etc.) et menacer des territoires peu ou prou exposés.


Les phénomènes cycloniques de l'hémisphère Nord se forment de juin à novembre (voire jusqu'en décembre) avec une période particulièrement intense entre juillet et octobre, dans la mer d’Arabie, le golfe du Bengale, la mer de Chine, le golfe du Mexique, la Caraïbe et l’Atlantique. Dansl'océan atlantique, bien que les trajectoires des cyclones recouvrent de nombreuses variations, la majeure partie naît entre le continent Africain et les Antilles. Ces phénomènes cap-verdiens se forment entre août et septembre à partir de perturbations tropicales en provenance d’Afrique, développées à proximité des îles du Cap-Vert. Ils sont généralement intenses puisqu’ils peuvent parcourir les mers chaudes sur une importante distance sans rencontrer d’obstacles, depuis leur zone de formation jusqu’à leur zone d’atterrissage.
Les systèmes se déplacent du sud-est vers l’ouest ou le nord-ouest avant d’atterrir à proximité des côtes américaines (USA) ou bien sur des zones bordant la mer des Caraïbes. Les cyclones sont ensuite généralement repris par le courant d’ouest en direction des Açores ou de l’Europe (NOAA, 2015 ; Météo France, 2010). Ces systèmes tournent dans le sens inverses des aiguilles d'une montre contrairement à ceux formés dans l'hémisphère Sud.
Trajectoire moyenne des cyclones dans l'Atlantique Nord


  La température de l’océan doit être élevée dans les 60 premiers mètres pour permettre une évaporation intense et des transferts d’humidité de l’océan vers l’atmosphère. Ce transfert est à son maximum à la fin de l’été lorsque les eaux de surface atteignent 28 à 29°C. Cette condition thermique est indispensable à la naissance et au développement du phénomène. Ainsi, il ne se forme généralement pas de cyclone en Atlantique sud ou dans le Pacifique sud-est, où les eaux sont relativement froides. Pour la même raison, les cyclones s’affaiblissent rapidement en pénétrant à l’intérieur des terres, où ils ne sont plus alimentés en eau chaude.


Trajectoires et impacts des cyclones passés aux Antilles

D’après les archives du Centre des Ouragans (NHC) en Floride, l’activité cyclonique historique (nombre de tempêtes tropicales et ouragans) est surtout concentrée au voisinage de la côte Est des Etats-Unis, dans l’extrême Nord-Ouest de la Mer des Caraïbes et dans le Golfe du Mexique.


Auteurs : F. Leone et T. Candela, 2019. <i>Sources - GADM 2011, NOAA IBS Tracks 2018, Google Satellite</i>

Les Petites Antilles appartiennent au bassin cyclonique nord-atlantique, une des zones les plus actives en matière de cyclogenèse et très exposée aux effets du réchauffement climatique. Ces territoires sont concernés par une activité plus modérée qui augmente en direction du nord de l’Arc. Elle est essentiellement associée à des cyclones issus de l’Atlantique tropical entre l’Afrique et les Antilles (région dite « de développement principal » des cyclones). La saison cyclonique s’étend habituellement de juin à octobre aux Antilles.



Les cyclones significatifs aux Petites Antilles


Parcourez l’arc Antillais pour connaitre les trajectoires cycloniques majeures ayant impacté les Antilles françaises depuis les Années 1950



Catalogue historique des évènements hydro-climatiques significatifs (CAT-EHC, 1635–2018)


Plusieurs catalogues historiques permettent de reconstituer l’activité cyclonique aux Antilles et en Guadeloupe en particulier. On peut citer les bases de données en ligne de :


Les travaux les plus complets menés par des historiens spécifiquement sur les Antilles françaises sont récents :

Ils visent à analyser la sévérité des cyclones à travers les dommages, essentiellement matériels et économiques, ainsi que les réponses apportées au cours du temps par les sociétés antillaises. Ils peuvent être complétés par des études de cas, ou des retours d’expérience post-cycloniques, menés par exemple par :

Cependant, ces recherches historiques ou géographiques, ne décrivent que très rarement les bilans humains et encore moins les circonstances des décès.

  Afin d’établir un nouveau référentiel sur les évènements historiques significatifs en Guadeloupe (nommé CAT-EHC), il a fallu compiler et harmoniser ces catalogues existants, puis les enrichir avec de nouvelles informations issues de sources primaires reproduites (Saffache et al., 2003 ; Huc et Etna, 2015) ou originelles (archives nationales, presse locale, etc.). Ces recherches complémentaires ont notamment permis de compléter les bilans humains.


Auteurs : F. Leone, 2019. <i>Sources - CAT-EHC, 1635–2018 (UMR GRED)</i>

Référence livrable


Frise chronologique des cyclones meurtriers en Guadeloupe de 1950 à 2017

La taille des cercles représente le nombre de décès causés par chaque cyclone. Passer le curseur sur la frise pour faire apparaître le nombre exact de décès.


Evènements meurtriers ayant impacté les territoires de Guadeloupe, Saint-Martin et Saint-Barthélemy durant la période récente (1950-2018)


Card image

Cyclone Betsy (catégorie 3) Août 1956

Sur l'archipel de Guadeloupe, 6 décès et près d'une cinquantaine de bléssés ont été recensés.

Card image

Tempête Héléna Octobre 1963

Sur l'archipel de Guadeloupe, 5 décès et 14 bléssés ont été recensés.

Card image

Cyclone Cléo (Catégorie 2) Août 1964

Sur l'archipel de Guadeloupe, 13 décès et 180 bléssés ont été recensés.

Card image

Cyclone Inez (Catégorie 3) Septembre 1966

Sur l'archipel de Guadeloupe, 28 décès et 14 bléssés ont été recensés.

Cyclone Allen (Catégorie 4) Août 1980

Sur l'archipel de Guadeloupe, 1 décès a été recensé.

Card image

Cyclone Hugo (Catégorie 4) Septembre 1989

Sur l'archipel de Guadeloupe, 16 décès dont 9 directement liés au cyclone et 107 bléssés ont été recensés.

Tempête Iris Septembre 1995

Sur l'archipel de Guadeloupe, 1 décès a été recensé.

Cyclone Luis (Catégorie 4) Septembre 1995

Sur l'archipel de Guadeloupe, 1 décès a été recensé.

Cyclone Marylin (catégorie 1) Septembre 1995

Sur l'archipel de Guadeloupe, 1 décès a été recensé.

Card image

Cyclone Lenny (Catégorie 4) Novembre 1999

Sur l'archipel de Guadeloupe, 5 décès et 49 bléssés ont été recénsés ainsi que 4 décès à Saint-Barthélémy.

Tempête Rafael Octobre 2012

Sur l'archipel de Guadeloupe, 1 décès a été recensé.

Cyclone Irma (catégorie 5) Septembre 2017

Sur les îles de Saint-Martin et Saint-Barthélémy 11 décès ont été recensés.

Card image

Cyclone Maria (catégorie 5) Septembre 2017

Sur l'archipel de Guadeloupe, 4 décès ont été recensés.

IRMA, JOSE, MARIA : les impacts de la saison cyclonique 2017

Reconstitution des conditions météorologiques cycloniques


Modélisation des vents et des pluies


Les observations météorologiques ayant arrêté de fonctionner sur les îles de Saint-Martin et de Saint-Barthélémy avant le passage de l’oeil du cyclone Irma, le modèle opérationnel de Météo-France AROME 2.5 km a été complété par des simulations de modèles à plus fine résolution : le modèle en mode recherche Arome 1.3 km et le modèle WRF ARW (280 m, 90 m, 30 m). Le modèle WRF ARW a été préalablement validé avec les données d’observation des stations de Météo-France pour les rafales et les cumuls de pluie induits par l’ouragan Maria sur l’archipel de la Guadeloupe.

Auteurs : P. Palany, A. Bel Madani, E. Chatefrou, G. Faure, D. Bernard, R. Cécé, 2019. <i>Sources - MétéoFrance ; DIRAG/EC-MPF ; CNRM ; LARGE, 2019</i>



AROME 2.5 km modélise avec une grande précision les structures pluvieuses des cyclones avec de légères erreurs de position des centres des cyclones, principalement aux échéances supérieures à 30 heures.Il représente également de manière très réaliste certaines sous-structures telles les deux bandes pluvieuses s’enroulant autour du coeur de Maria, l’une touchant la Dominique et l’autre atteignant l’Est de la Martinique.

Auteurs : P. Palany, A. Bel Madani, E. Chatefrou, G. Faure, D. Bernard, R. Cécé, 2019. <i>Sources - MétéoFrance ; DIRAG/EC-MPF ; CNRM ; LARGE, 2019</i>

Les vents simulés correspondent aux estimations. Les cumuls de pluie sont cohérents avec les observations radar. Il faut toutefois noter les limites des images de réflectivité radar : plus le phénomène est éloigné du radar (ici situé en Guadeloupe), plus les précipitations sont sous-estimées.



AROME 1.3 km modélise très bien la trajectoire et l’intensité des cyclones de 2017. Il représente les champs d’intérêt (vents et pluie) de manière plus réaliste que AROME 2.5 km, en se rapprochant des valeurs extrêmes de vent moyen (295 km/h relevés dans l’après-midi du 05 septembre) ou de rafales (321 km/h enregistrés par une station non officielle de Saint-Barthélemy) lors du passage de Irma.

Auteurs : P. Palany, A. Bel Madani, E. Chatefrou, G. Faure, D. Bernard, R. Cécé, 2019. <i>Sources - MétéoFrance ; DIRAG/EC-MPF ; CNRM ; LARGE, 2019</i>



Le modèle WRF ARW, validé par les observations météorologiques de Maria en Guadeloupe, permet par sa résolution de 280 m de mieux représenter les violentes rafales du mur de l’oeil du cyclone Irma. WRF a ainsi retrouvé des valeurs de pression et de vents très proches des valeurs observées : 924 hPa de minimum de pression simulé contre 914 hPa observé au coeur du cyclone, des valeurs maximales de vent soutenu de 80 m/s comme estimées par le NHC, ainsi que des rafales instantanées simulées dépassant 110 m/s quand les observations moyennées sur 3 secondes se situent entre 80 et 100 m/s le 06/09/2017 à 11 h locales.

Ces simulations ont également confirmé que l’île de Saint-Barthélémy, située sur la trajectoire du centre du cyclone d’après les observations radar, a été impactée par les plus violentes rafales d’Irma. L’île de Saint-Martin a subi les effets du cadran Nord-Ouest de l’oeil, moins actif.

Auteurs : P. Palany, A. Bel Madani, E. Chatefrou, G. Faure, D. Bernard, R. Cécé, 2019. <i>Sources - MétéoFrance ; DIRAG/EC-MPF ; CNRM ; LARGE, 2019</i>

Les simulations à 30 m de résolution du modèle WRF ARW ont quant à elles permis de représenter les effets locaux de chacune des deux îles sur les vents et les pluies cycloniques (relief, occupation des sols) et d’identifier les zones d’aléas cycloniques à l’échelle d’un quartier.

Auteurs : P. Palany, A. Bel Madani, E. Chatefrou, G. Faure, D. Bernard, R. Cécé, 2019. <i>Sources - MétéoFrance ; DIRAG/EC-MPF ; CNRM ; LARGE, 2019</i>

Alors que les cumuls de pluie simulés à 30 m de résolution semblent très peu influencés par la topographie, les rafales induites en mer (360-380 km/h) par Irma sont fortement perturbées par le relief des îles de Saint-Martin et de Saint-Barthélémy. En effet, les crêtes génèrent un resserrement des lignes de pression et d’importants mouvements ascendants à l’origine des valeurs instantanées supérieures à 460 km/h sur l’île de Saint-Barthélémy. Cette gamme de rafales correspond aux valeurs records mesurées dans les tornades les plus puissantes (512 km/h en 1999).


Référence livrable


  L’objectif est de reconstituer les conditions météorologiques des évènements cycloniques de la saison 2017 dans les Antilles en les simulant par l’intermédiaire de modèles météorologiques numériques à haute résolution. La reconstitution des évènements avec des modèles à très haute résolution (AROME 1.3 km, WRF 280 m, WRF 30 m) n’est possible qu’a posteriori : les coûts de calcul pour ces simulations ne permettent pas de les utiliser en temps réel. Elles ne peuvent donc être utilisées en contexte opérationnel lors d’un évènement cyclonique. Cependant ces reconstitutions fines et réalistes peuvent aider à la prévention des risques (par exemple pour l’identification des zones d’accélération de vent et du facteur d’accélération associé).



Modélisation des états de mer


Les états de mer ont été reconstitués à l’aide de SCHISM-WWM, un modèle numérique état-de-l’art couplé courants-vagues, qui permet de travailler avec des grilles à résolution variable, et donc de bien représenter les hauts-fonds, les barrières de corail ou encore l’inondation à terre, tout en gardant des temps de calcul raisonnables. Des levés bathymétriques ont été réalisés dans le cadre du projet TIREX pour compléter les données déjà disponibles (SHOM, GEBCO), et descendre à des résolutions de 10m sur certains sites. Les résultats indiquent que les littoraux exposés à l’Est ont été les plus touchés, avec des hauteurs significatives de vagues ayant dépassé les 10m au large des côtes au vent de Saint-Martin et Saint-Barthélemy. A titre d’exemple, la partie occidentale de la baie de Grand-Case a été dévastée par des houles beaucoup plus énergétiques que la partie orientale, plus protégée des houles d’Est, qui elle a été relativement épargnée.

Auteurs : Rey, T., Leone, F., Candela, T., Belmadani, A., Palany, P., Krien, Y., Cécé, R., Gherardi, M., Péroche, M., Zahibo, N. (2019). <i>Coastal Processes and Influence on Damage to Urban Structures during Hurricane Irma (St-Martin & St-Barthélemy, French West Indies). Journal of Marine Science and Engineering, MDPI, 2019, DOI :10.3390/jmse7070215</i>

Référence livrable

Cartographie dynamique de l’impact du cyclone IRMA


L’impact du cylone IRMA


Une semaine après HARVEY, IRMA se forme à partir d’une onde tropicale le 30 août 2017 au large de l’Afrique, comme une classique tempête tropicale. Entre l’après-midi du 31 août et le matin du 1er septembre, subissant un cycle de remplacement du mur de l’œil, IRMA connaît une phase d’intensification rapide, lors de laquelle sa zone de convection profonde s’étend. Une nouvelle phase d’intensification démarre, alors qu’IRMA se trouve encore à 2500 km de l’Arc antillais.

Ouvrir la carte en pleine page


Le samedi 2 septembre, IRMA se trouve à environ 2000 km des Petites Antilles. Il présente un petit cœur d’environ 1,5° de diamètre et reste sensible aux variations d’environnement. Le matin du dimanche 3 septembre, à 1500 km du nord de l’Arc antillais, IRMA présente toujours un petit cœur d’environ 1,5°. L’œil est assez mal défini en fin de nuit de samedi 2 à dimanche 3 septembre. Il est possible que cet affaiblissement temporaire soit le résultat d’air sec de moyenne troposphère pénétrant dans la structure centrale de l’ouragan. Sous l’influence du flux directeur de Nord-Est, IRMA suit toujours une trajectoire globalement orientée vers l’Ouest-Sud-Ouest.

Le matin du lundi 4 septembre, après avoir temporairement « souffert » lors de la traversée d’une zone de cisaillement vertical (vents forts de Nord-Est en altitude) et d’une intrusion d’air sec dans sa circulation, IRMA est de nouveau dans un environnement favorable à son intensification. Sa structure s’est nettement améliorée ce lundi matin, le cœur central est très symétrique et s’est un peu étendu (2° de diamètre) et l’œil est bien mieux défini. Les vents forts s’étendent plus que ce qui avait précédemment été estimé. IRMA se situe alors à environ 1000 km des Îles du nord des Petites Antilles.

IRMA évolue sur des eaux à haut contenu énergétique (température de surface de l’océan autour de 29°C) et lors de son déplacement vers l’Ouest, va progresser vers des eaux de plus en plus chaudes (plus de 30°C). L’environnement redevient favorable à l’intensification : faible cisaillement et bonne divergence coté équatorial. On notera aussi une bonne alimentation en air humide en moyenne troposphère : une nouvelle phase d’intensification à l’approche du nord de l’Arc Antillais.

Le matin du mardi 5 septembre, bénéficiant de conditions environnementales très favorables, IRMA s’est très brutalement intensifié au cours des 24 heures précédentes. L’œil se trouve alors à 09h UTC à 460 km de la Guadeloupe et 630 km des Îles du Nord. Une reconnaissance en avion américaine de la fin de nuit montre que IRMA s’est intensifié en catégorie 5 avec des vents moyens de 150 kt (280 km/h) près du centre, accompagnés de rafales de 185kt (340 km/h). Une reconnaissance aérienne du 5 septembre a permis d’analyser IRMA à l’intensité ahurissante de 160kt (295 km/h) en vents soutenus près du centre avec des rafales atteignant 195kt (360 km/h).

L’intensité atteinte par IRMA a dépassé ce qui était prévu par les prévisions. Même si les projections ont rapidement escompté un système de forte intensité, la catégorie 5 n’était pas envisagée. Les conditions environnementales très favorables permettent d’expliquer cela. D’abord, le potentiel thermique disponible était important, dans la mesure où l’ouragan évoluait sur des eaux dont la température de la surface était particulièrement élevée (plus de 30°C). Mais c’est surtout dans la situation en haute troposphère que se trouvent les explications majeures. Le système, situé sous la dorsale d’altitude, était protégé des effets néfastes du cisaillement. La divergence d’altitude a également été efficace, avec la présence de plusieurs canaux d’évacuation (outflow). L’ensemble de ces facteurs combinés ont donc conduit à faire de IRMA le cyclone de tous les superlatifs.


  Les impacts sur les îles de Saint-Martin et Saint-Barthélemy sont exclusivement liés au passage de IRMA, JOSE n’ayant pas eu d’impact significatif sur la Guadeloupe et les Iles du nord en dehors d’une houle cyclonique non exceptionnelle. Les capteurs des stations de Saint-Martin et Saint-Barthélemy ont été détruits lors du passage de l’oeil de l’ouragan. L’impact de l’ouragan IRMA a été majeur sur les Iles du Nord, notamment à Saint-Martin. Ces îles ont été dévastées et la quasi totalité des infrastructures détruites.

Evaluation des impacts territoriaux



Sur la partie française de Saint-Martin, l’ouragan Irma a causé la mort de onze personnes et généré des dommages très importants sur le parc immobilier, soit environ 16 000 constructions. Les rapports officiels font état de 95 % du bâti endommagé, avec 20 % de constructions complètement détruites dont plusieurs bâtiments publics. La préfecture, la médiathèque et 4 établissements scolaires sur 21 sont aujourd’hui considérés comme irrécupérables. Egalement très impactés, les réseaux d’eau, d’électricité et de téléphonie fixe et mobile ont été partiellement voire totalement coupés dans certains quartiers.

Sur l’île de Saint-Barthélemy, le montant des dommages des biens assurés a dépassé les 800 millions d’euros, avec 8720 sinistres déclarés, ce montant représente une estimation a minima en raison des nombreux bien non assurés. Le coût du sinistre est élevé « 118 000 euros pour les habitations, 325 000 euros pour les professionnels - dont 6,4 millions d’euros pour les hôtels ». (Arnell et al., 2019). En plus de dommages matériels, l’évènement a largement touché les secteurs économiques du tourisme et du BTP.


Auteurs : F. Leone, 2020. <i>Sources - Copernicus EMS, Risk & Recovery mapping. Contrat No 259811</i>


Le coût total des dommages assurés a été estimé à 1,17 milliards d’euros pour Saint-Martin et 820 millions pour Saint-Barthélemy.


Cartographier les dommages aux infrastructures : diagnostics de terrain et cartographie rapide


Lors de la saison cyclonique de septembre 2017, les conséquences désastreuses du passage de l’ouragan Irma sur la partie Nord de la Caraïbe ont mobilisé plusieurs services de cartographie rapide internationaux. Ces services dits « d’urgence » s’appuient sur l’imagerie satellitaire à très haute résolution afin de répondre aux demandes d’anticipation et d’observation des zones touchées immédiatement à la suite d’un événement. Ils y répertorient les dommages sur les infrastructures, les réseaux de communications et l’environnement. La production d’un très grand nombre de données multi sources (plus de 600 cartes), rapidement disponibles, a abouti à une sorte de « catastrophe cartographique ». Elle s’explique par la grande diversité des modes de représentations mobilisés dans la cartographie des dommages induits d’un même aléa.

Le GRED a mené des diagnostics de dommages aux infrastructures, un mois après le passage d’Irma à Saint-Martin. Trois secteurs d’étude ont été diagnostiqués (Grand-Case, Baie-Nettlé et Baie-Orientale) au moyen de grilles multicritères, afin de les confronter à ceux établis par les organismes de cartographie d’urgence. Cette analyse comparative et complémentaire permet d’évaluer le niveau de fiabilité et de précision des cartographies rapides de dommages, fournies par les grands opérateurs tels que le SERTIT ou COPERNICUS.


Auteurs : T. Candela, 2019. <i>Sources - T. Candela, 2018 ; GRED, 2018 ; BD Topo IGN, 2017 ; Google Satellite (fond de carte)</i>


Auteurs : T. Candela, 2019. <i>Sources - T. Candela, 2018 ; GRED, 2018 ; BD Topo IGN, 2017 ; Google Satellite (fond de carte)</i>


Les dégâts aux infrastructures en fonction des trois opérateurs : Gred, Copernicus et Sertit


Auteurs : T. Candela, 2019. <i>Sources - T. Candela, 2018 ; GRED, 2018 ; BD Topo IGN, 2017 ; Google Satellite (fond de carte)</i>


Il semble intéressant de proposer des solutions cartographiques optimisant l’analyse spatiale à différentes échelles de l’impact d’une catastrophe. De plus, les méthodes d’acquisition, le contexte météorologique ou encore la divergence des évaluations de dommages, sont des critères qui viennent nuancer la réalité observable sur le terrain. Il est crucial de fournir des supports affichant ces incertitudes spatiales et attributaires. Les travaux de T. Candela (thèse de doctorat en cours) introduisent une réflexion sur l’utilisation des variables visuelles et techniques élaborées sous SIG (Systèmes d’Information Géographique) dans le but de proposer une vision synoptique autour de l’événement qui a touché Saint-Martin durant la saison cyclonique de 2017.


Référence livrable soumis


La gestion des débris post-Irma à Saint-Martin


Le passage des cyclones Irma, et dans une moindre mesure, José, a généré plus de 65 000 tonnes de débris sur la partie française de l’île Saint-Martin soit 1,6 tonne par habitant ou l’équivalent de 3 ans de collecte normale de déchets. La collecte et le traitement ont représenté un défi énorme. La première a nécessité quatre mois et le traitement et la valorisation étaient toujours en cours en novembre 2018 soit plus d’un an après le cyclone.

Tonnage de débris et déchets collectés après Irma et comparaison avec 2016

Sur le graphique, La collecte “post Irma” correspond à la période de septembre 2017 à avril 2018. Elle est comparée avec la période équivalente un an auparavant (dite période de référence sur le graphe), soit septembre 2016 à avril 2017. Les déchets étant soumis à des variations saisonnières notamment les ordures ménagères et les déchets verts, il était important de comparer les mois similaires à un an d’intervalle. La période de référence peut donc être considérée comme représentative de la collecte « normale » précédent l’arrivée d’Irma.

On observe que la collecte des ordures ménagères a diminué de 2 200 tonnes (-20 %) lors de la phase post Irma. Cette baisse peut s’expliquer par la défaillance de la filière de collecte, qui a induit des éliminations « sauvages » d’ordures ménagères. Par ailleurs, des déchets habituellement éliminés en ordures ménagères ont été glissés dans les débris post-cycloniques. La diminution des ordures ménagères (et celle du verre en partie) reflète surtout la diminution de population. Les départs de population ont été estimé à 8 000 personnes dans le mois qui a suivi Irma même si en janvier une grande partie de ces personnes étaient de nouveau sur l’île.


Un point sur les encombrants

La répartition de la collecte est sur certains postes "cyclono-dépendants" significative. Le plus gros poste (52 000 tonnes) est constitué par les encombrants non triés, mélange de déchets verts, de tôles et de tout venant (matelas, meubles…). Le volume de déchets verts n’est pas représentatif car beaucoup sont inclus dans le tas d’encombrants non triés. D’après l’entreprise VerdeSXM, ils constitueraient 25 à 30 % du "tas Irma" soit 15 000 tonnes. Le troisième poste est celui des VHU : plus de 2000 tonnes collectées, pneus inclus.

Ce sont ainsi 67 000 tonnes de déchets et débris qui ont été collectés dans les huit mois qui ont suivi le passage d’Irma. Si l’on compare avec la collecte lors de la même période l’année précédente, le surplus de collecte s’élève à 48 000 tonnes.

Référence livrable


Les débris et l’Ecosite de Grandes Cayes à Saint-Martin en octobre 2017



Les impacts morpho-sédimentaires sur l’île de Saint-Martin


L’évaluation des impacts des cyclones tropicaux de la saison 2017 a permis de démontrer une nouvelle fois que les événements climatiques extrêmes jouent un rôle majeur dans l’évolution des systèmes côtiers.

Les cyclones tropicaux de 2017, en particulier Irma (catégorie 5), ont généré des processus d’érosion et d’accrétion complexes et interdépendants. Ils ont par exemple provoqué un recul marqué du trait de côte (ligne de stabilité) sur la plupart des sites étudiés. À l’échelle de Saint-Martin, c’est sur la façade la plus exposée aux houles et aux vents cycloniques (la côte est) que le recul du trait de côte a été le plus important : il atteint 166 m dans la baie Orientale.

Sept semaines après le passage des cyclones sur l’île – période à laquelle a été réalisée la première mission de terrain du projet – leurs impacts sur la morphologie côtière étaient encore bien visibles. Les formes d’érosion se traduisent par exemple par l’ouverture de falaises d’érosion atteignant jusqu’à 4 m dans les systèmes dunaires, ou par la mise à nu du système racinaire de la végétation côtière détruite.

Évolution de la position du trait de côte (ligne de stabilité) en réponse aux cyclones tropicaux de septembre 2017 sur l’île de Saint-Martin. Les lignes bleues représentent la distance séparant les traits de côte pré- et post-cyclone pour chaque plage.

Alors que certaines plages, en particulier celles situées sur la côte est de l’île, présentent une forte variabilité de la réponse du trait de côte à l’échelle de quelques centaines de mètres (par ex., Cul de Sac, Baie Nettlé, Simpson Bay), d’autres sites sont caractérisés par une certaine homogénéité de la réponse du trait de côte (par ex., Petites Cayes, Cole Bay ou Baie Rouge).

Dans les secteurs où le développement de la végétation côtière était limité, l’impact des houles et des vents cycloniques a été important. Il s’est par exemple traduit par le décapage des sols, sur des distances pouvant atteindre une vingtaine de mètres depuis le haut de plage. Sur la côte est, les houles cycloniques ont entrainé la formation - sur l’arrière-plage - de tranchées perpendiculaires au trait de côte atteignant une profondeur de 1,20 m pour une longueur d’environ 15 m. Les cyclones de 2017 ont également joué un rôle constructeur. Les relevés de terrain ont permis de mettre en évidence des accumulations sédimentaires s’étendant sur des distances parfois importantes vers l’intérieur des terres, notamment où aucun obstacle, ni naturel (tel qu’une végétation dense), ni anthropique (ex. : constructions), n’a fait barrage au transport de sédiments.

L’analyse de la variabilité spatiale des impacts des cyclones tropicaux a confirmé les résultats d’études antérieures. La trajectoire du cyclone, l’exposition des côtes aux houles et aux vents cycloniques et les caractéristiques morphologiques des plages déterminent la nature et l’intensité des impacts.

Notre étude souligne également l’influence majeure des activités anthropiques - en particulier de la rigidification du trait de côte par des ouvrages de défense et des aménagements et de la modification de la végétation côtière (défrichement, remplacement de la végétation indigène par des espèces introduites) – dans l’exacerbation de l’érosion générée par les cyclones.

Sur la base de ces résultats, nous proposons une typologie des réponse des plages face aux événements météo-marins extrêmes. Les quatre types de plages mis en évidence dans cette étude comprennent :

Référence livrable



Impacts géomorphologiques sur l’île de la Dominique après le passage du cyclone Maria


Parmi les 6 ouragans majeurs de la saison cyclonique, Maria est de loin le plus meurtrier, avec près de 3 000 victimes sur l’ensemble des territoires impactés selon les derniers bilans.

Le cyclone a atteint sa catégorie maximale (5) en passant sur l’île de la Dominique. Avec des rafales dépassant les 260 km/h, d’importantes précipitations ont débuté dans l’après-midi du 18 septembre et ont entraîné de nombreux mouvements de terrain et crues soudaines. Un maximum de 600 mm a été observé à Copthall, près de Roseau. De manière générale, la surcote marine associée au cyclone a été la plus importante sur la côte ouest dans la moitié sud de l’île, où un run up maximal de 3,7 m a été observé à Scott’s Head.


Auteurs : S. Battut, 2019.


Pour plus d’informations contacter Tony Rey, directeur du mémoire de S. Battut.

Changement climatique et évolution de l’activité cyclonique dans l’atlantique

D’après les archives du Centre des Ouragans (NHC) en Floride, l’activité cyclonique historique (nombre de tempêtes tropicales et ouragans) est surtout concentrée au voisinage de la côte Est des Etats-Unis, dans l’extrême Nord-Ouest de la Mer des Caraïbes et dans le Golfe du Mexique. Les Petites Antilles sont concernées par une activité plus modérée qui augmente en direction du nord de l’Arc. Elle est essentiellement associée à des cyclones issus de l’Atlantique tropical entre l’Afrique et les Antilles (région dite « de développement principal » des cyclones).


<i>Sources - MétéoFrance, 2019</i>

L’activité cyclonique historique vue par le modèle Arpege-Climat de Météo-France est quant à elle surtout située entre la côte Est des Etats-Unis et l’archipel des Açores, ainsi que dans le Golfe du Mexique dans une moindre mesure. Elle est donc raisonnablement réaliste. On constate cependant une sous-estimation de la fréquence des cyclones autour des Petites Antilles et en Mer des Caraïbes, en lien avec une activité relativement faible dans la région de développement principal. Cette faiblesse du modèle dans le Sud du bassin Atlantique nous conduit à prendre les projections futures avec précaution pour cette région, même si le modèle devrait être capable de simuler des évolutions plausibles à plus grande échelle.


<i>Sources - MétéoFrance, 2019</i>



Evolution de l’activité cyclonique dans un contexte de changement climatique




D’après les projections du modèle Arpege-Climat, le nombre de tempêtes tropicales et de cyclones mineurs et majeurs serait amené à diminuer partout de façon nette, à l’exception de la région du Cap-Vert où il augmenterait nettement ainsi que dans les latitudes moyennes. Cependant, même si la fréquence des cyclones ne devrait augmenter que localement, les ouragans les plus intenses (catégories 4 et 5) deviendraient plus nombreux en moyenne dans le bassin. Par ailleurs, l’énergie des cyclones serait amenée à évoluer de manière similaire à leur fréquence plutôt qu’à leur intensité : nette augmentation autour du Cap-Vert et dans les latitudes moyennes, nette diminution dans la Caraïbe et le Golfe du Mexique, et peu de changement dans le centre du bassin. En moyenne à l’échelle du bassin, l’ACE (énergie cumulative des cyclones) ne présente pas d’évolution future particulière. Par ailleurs, les pluies cycloniques devraient également être amenées à augmenter de 5 à 15 %.

photo