Avant l’arrivée du cyclone : évaluer la trajectoire du phénomène
Les prévisions de trajectoire et d’intensité reposent sur les trois types de modèles numériques suivants :
Les modèles numériques statistiques. La prévision repose sur la répétitivité des trajectoires cycloniques dans le temps et l’espace. Le comportement du cyclone est défini à partir des cyclones anciens recouvrant des caractéristiques proches du phénomène en cours.
Les modèles numériques dynamiques. La trajectoire est prévue à partir de données atmosphériques globales (vents, températures, vitesse, pression atmosphérique, etc.).
Les modèles numériques statistico-dynamiques. Ce modèle combine quant à lui la statistique (correspondance avec le comportement de cyclones anciens enregistrés dans une base de données) et la dynamique (prenant en compte l’environnement météorologique du phénomène) (Météo France, 2000).
Ces simulations ensemblistes apportent des résultats complémentaires aux sorties des modèles opérationnels déterministes (AROME, ARPEGE, IFS) et permettent notamment d’obtenir des scénarii alternatifs à la prévision déterministe, particulièrement critiques en situation extrême.
Voir les modèles utilisés pour IRMA
Après le passage du cyclone : évaluer les dommages
Les services de cartographie rapide fournissent peu d’informations visuelles sur les modes de représentation des incertitudes. La notion d’incertitude est liée à la coexistence de plusieurs sources de données issues des services de cartographies rapides d’une part, et l’utilisation de processus de photo-interprétation par ces services, pour l’évaluation des dommages d’autre part.
L’analyse par photo-interprétation s’applique à des dommages souvent représentatifs des phénomènes éoliens touchants les toitures. Les zones de submersion marine sont donc plus sujettes à des biais d’interprétation. De plus ces incertitudes peuvent dans certains cas, être aggravées par des problématiques météorologiques comme l’épaisse couverture nuageuse qui stagna après le passage d’Irma par exemple.
Quantité de bâtiments diagnostiqués par classe de dommage et par opérateur
La révolution scientifique du XVIIe siècle ouvre la voie à la passion française pour l’observation du temps (Desarthe, 2010). Équipés de baromètre, les capitaines des ports de la Martinique et de la Guadeloupe sont en mesure de lancer les avertissements et les alertes. Dès la baisse significative du baromètre, les autorités sont prévenues et relaient l’information auprès des forces de l’ordre qui à leurs tours préviennent l’ensemble des communautés.
L’arrivée du télégraphe à la fin du XIXe siècle marque une étape importante avec l’émergence d’un réseau de surveillance à l’échelle des Caraïbes dont l’objectif est d’informer les autorités pour une prise en charge plus rapide de l’événement.
Des études et des outils de mesure (anémomètre, hydromètre, baromètre, etc.) ont été développés depuis le XVIIème siècle, mais le premier réseau d’alerte météorologique ne fut créé qu’en 1847 à la Barbade par le lieutenant-colonel William Reid. Le développement de la radio à partir de 1900 va considérablement augmenter les capacités de recueil et de communications des informations, jusqu’alors diffusées par télégraphe.
la prévision cyclonique progresse sous l’égide de l’OMM avec le déploiement d’avions chasseurs de cyclones réalisant des missions de reconnaissance à l’intérieur même des phénomènes. Les données sont désormais transmises en temps [quasiment] réel par le National Hurricane Center aux centres météorologiques de la région placée sous sa responsabilité. Le développement des liaisons téléphoniques et l’usage du transistor permettent de faire parvenir les avertissements à une grande partie de la population, cependant l’organisation des autorités reste balbutiante. La prévention se renforce et s’affine au cours des années 1970 avec la mise en place des plans Orsec-cyclones mais des imprévus persistent. La trajectoire inédite de Lenny en 1999 ou bien encore les effets induits par Marylin en 1995 mettent en évidence les difficultés à anticiper les phénomènes météorologiques. Les quatre ouragans destructeurs formés lors de la saison cyclonique 2017 (Harvey, Irma, José et Maria) corroborent cette réalité. Bien que ces événements ne soient pas exceptionnels, leur puissance destructrice les rendra à tout le moins historiques.
La veille cyclonique internationale est coordonnée par l’OMM et organisée en CMRS. Ces centres spécialisés sont chargés de détecter et suivre les phénomènes ainsi que d’en prévoir l’évolution (trajectoire, changements d’intensité, phénomènes associés). Dès qu’un phénomène est identifié, le centre responsable diffuse des bulletins réguliers aux services météorologiques de la région. Plusieurs centres spécialisés se partagent ainsi la surveillance des sept bassins tropicaux :
Bassin océanique | CMRS | Localisation du CMRS |
---|---|---|
Atlantique Nord et Pacifique Nord-est | NHC TPC | Miami (Etats-Unis) |
Pacifique Centre-nord | Central Pacific Hurricane Center | Honolulu (Hawaï) |
Pacifique Nord-ouest | Agence météorologique du Japon | Tokyo (Japon) |
Pacifique Sud et Sud-ouest | Fiji Meteorological Servic | Nadi (Fidji) |
Indien Nord | India Meteorological Department | New Delhi (Inde) |
Indien Sud-ouest | Centre météorologique régional spécialisé cyclones de La Réunion | Sainte-Clotilde (La Réunion) |
Indien Sud-est | Bureau of Meteorology - Agence de météorologie, climatologie et géophysique d’Indonésie, Port-Moresby et Wellington | Darwin, Perth, Brisbane (Australie) - Jakarta (Indonésie) - Port-Moresby (Papouasie Nouvelle Guinée)- Wellington (Nouvelle-Zélande) |
Dans la région Caraïbe, le Comité des ouragans de l’OMM a adopté un plan d’opérations réactualisé chaque année. Ce plan préconise au pays exposés la mise en place de systèmes d’alerte pour prévenir les populations en cas d’arrivée de cyclones. C’est dans ce cadre qu’a été instauré un Plan Spécialisé Urgence Cyclone (PSUC), en complément des dispositions générales ORSEC. Le dispositif opérationnel, aussi connu sous le nom de Plan ORSEC Cyclones, contribue à :
Un plan interne est ensuite décliné par les maires, chefs de service ou l’entreprise afin d’encadrer les déplacements lors des différentes phases d’alerte cyclonique.
Depuis 2006, une procédure de vigilance météorologique est en vigueur aux Antilles françaises prenant en compte 4 types de danger :
Les niveaux de vigilance météorologique cyclonique
Il existe quatre couleurs pour quatre niveaux de danger évalués croisant l’impact potentiel et sa probabilité. Les vigilances violette et grise ne valent uniquement qu’en cas d’impact important lié à un cyclone.
Phénomènes habituels mais possibilité de danger local ou occasionnel. Pour le cyclone, l'anticipation est souvent de 48 à 72 heures.
PlusPhénomènes dangereux observés ou prévus. Pour le cyclone, l'anticipation est souvent de 24 à 36 heures.
PlusDanger très probable et effets importants. Pour le cyclone, l'anticipation est souvent de 6 à 18 heures.
PlusDanger imminent et effets majeurs très probables.
PlusDanger principal écarté ou atténué mais risques encore présents.
PlusLa France a adopté une approche dite «cluster» de gestion de crise, c’est à dire une approche par secteur. Le but de cette approche est d’assurer une réponse stratégique et multi-sectorielle au travers de la mobilisation de différents acteurs sur des problématiques précises. Pour toute la France, la conduite opérationnelle de la crise Irma a été confiée au ministère de l’intérieur, rôle habituel en cas d’une catastrophe naturelle.
Sous l’autorité du préfet de la Guadeloupe, le préfet délégué assure dans les deux collectivités (Saint-Martin et Saint-Barthélemy) la représentation de l’Etat dont il dirige les services déconcentrés. En termes de gestion de crise, la préfecture a un rôle de proximité. Le préfet de Guadeloupe transmet l’alerte à la sous-préfète, en même temps qu’à la population. On parle de double insularité : Saint- Martin dépend de la Guadeloupe qui dépend de la France métropolitaine. Les Saint-Martinois évoquent même une «triple insularité», du fait de la division de l’île.
Concernant la dénomination de cyclones sur une année, la normale se situe autour de 12 cyclones nommés par an. 17 cyclones ont été baptisés lors de la saison cyclonique 2017. Ce n’est arrivé que 8 fois auparavant. Même si le record a été établi lors de la saison 2005 avec 28 cyclones nommés, cela reste assez rare. Voir évoluer 10 ouragans dont 6 majeurs en une saison est également rare mais pas exceptionnel : cela s’est produit 8 fois auparavant, le record étant de 15 ouragans en 2005 dont 7 ouragans majeurs.
Le mois de septembre sur les Antilles a quant à lui été exceptionnel à plus d’un titre. C’est la première fois depuis 1850 que trois ouragans majeurs menacent et impactent l’arc Antillais sur une même saison. Encore plus exceptionnel : cette activité cyclonique incroyable s’est concentrée sur deux semaines. Pour Irma, il s’agit de la première fois qu’un cyclone de cat 5 atterrit sur une île des îles de Petites Antilles depuis le début des mesures météo en 1850. Cet événement a été suivi du passage de Maria, également cyclone de catégorie 5, sur la Dominique. Dans l’histoire plus ancienne des Petites Antilles, seul le Grand Ouragan de 1780 qui a dévasté la Martinique et fortement touché la Guadeloupe (l’oeil serait passé sur Sainte-Lucie) pourrait avoir atteint la catégorie 5 au moment de son passage sur les îles, au vu des témoignages des dégâts et de la violence des vents.
Phénomènes cycloniques du mois de septembre 2017 aux Antilles
La saison cyclonique 2017 a été particulièrement active et destructrice avec plus de 3000 victimes enregistrées et des coûts estimés à plusieurs centaines de milliards de dollars au total. Sur les 17 tempêtes tropicales formées cette année-là, 10 sont devenues des ouragans et 6 ont atteint une catégorie supérieure ou égale à 3. Saison des records, c’est par ailleurs la première fois depuis la réalisation de relevés que 3 ouragans de catégorie 4 ont atteint les côtes américaines (Harvey, Irma et Maria).
Harvey touche terre en catégorie 4 et reste stationnaire quatre jours durant, occasionnant d’importantes inondations dans le sud-est du Texas. Au moins 68 personnes décèdent et les dégâts matériels s’élèvent à environ 125 milliards de dollars d’après le National Hurricane Center.
Peu avant la dissipation de Harvey, Irma prend naissance à l’Ouest des îles du Cap-Vert. L’ouragan suit une trajectoire Ouest-Nord-Ouest, s’intensifiant rapidement en catégorie 3. Une première inflexion vers l’Ouest-Sud-Ouest en fait une réelle menace pour l’arc antillais. Irma se renforce continuellement avant d’atteindre son maximum d’intensité le 5 septembre. Durant deux jours, l’ouragan empreinte les territoires insulaires (Barbuda, Saint-Barthélemy, St-Martin, Anguilla et les îles vierges) avant de longer les côtes de Puerto-Rico, de la République Dominicaine, de Haïti et de Cuba (Météo France, 2017). Là encore, les impacts sont considérables : 136 décès et plus de 67 milliards de dollars de dégâts matériels (dont environ 3 milliards de dollars pour les îles de Saint-Martin - côté français - et de Saint-Barthélemy).
A la suite d’Irma, l’ouragan José se forme à partir du 5 septembre à l’est des Petites Antilles. L’élément marquant de l’ouragan JOSE est son arrivée proche des Iles du Nord seulement 2 jours après le passage d’IRMA. Le phénomène de catégorie 4 atteint son intensité maximale dès le 8 septembre, avant des phases de rétrogradation et d’intensification jusqu’au 19 du même mois. L’ouragan JOSÉ se retrouve au plus près de la Guadeloupe le 9 septembre vers 6h locales à plus de 150 km au nord-est de l’archipel, puis son centre passera à environ 130 km au nord-est des Iles du Nord en fin d’après-midi du 9 septembre. Malgré l’intensité du phénomène, les effets en dehors de la houle ont été extrêment limités sur les Antilles. Cependant la menace de l’ouragan JOSÉ a fortement impacté la gestion de crise de l’après IRMA sur les Îles du Nord.
Enfin, c’est l’intensité explosive de Maria qui surprend les prévisionnistes à la mi-septembre : «en l’espace de 15 à 18 heures, l’ouragan de classe 1 devient un ouragan de classe 5 abordant l’arc antillais». L’ouragan MARIA passe au plus près de la Martinique vers 16h locales le 18 septembre, à moins de 50 km de la côte nord-est. Son oeil aborde ensuite la Dominique par le sud-est aux alentours de 21h locales le 18 septembre et traverse l’île jusqu’au nord-ouest en s’affailissant sur les reliefs dominicains très marqués. L’oeil de MARIA passera ensuite à une vingtaine de kilomètres de Terre de Bas (Guadeloupe) vers 2h locales, affectant profondément les Saintes ainsi que le sud et l’ouest de la Basse Terre, avant de s’éloigner en Mer des Caraïbes vers le nord-ouest. Maria a causé la perte de plus de 3 000 personnes et des dommages estimés à plus de 50 milliards de dollars sur l’ensemble des pays touchés.
Bulletins de vigilance concernant les phénomènes cycloniques Irma et José
Irma s’est initialement formée le 30 août 2017 au large des îles du Cap-Vert à partir d’une onde tropicale. Au cours des 30 heures suivantes, Irma s’est intensifiée pour devenir un ouragan de catégorie 3, avec des vents soufflant à plus de 185km/h.
Le 4 septembre, une alerte cyclonique est émise par le NHC de la NOAA à destination des îles du nord. Alors alimenté par les eaux chaudes au-dessus desquelles il évolue, l’ouragan s’intensifie rapidement entre le 4 et 5 septembre à l’approche des Antilles françaises. Saint-Martin passe alors en vigilance orange le 4 avant d’apprendre, le lendemain, que le passage de l’oeil d’Irma, alors à plus de 600 km du territoire, pourrait passer à proximité des îles du Nord qui seraient alors exposées à de puissantes rafales de vents et à des submersions marines. Classé en catégorie 5 le 5 septembre, l’ouragan Irma s’annonce d’une intensité redoutable. Saint-Martin passe en vigilance rouge, la phase de confinement est décrétée à partir de 22h le jour-même. Le 6 septembre à 11h15 (UTC), Irma atterrit à Saint-Martin en catégorie 5 avec des rafales de vents de 295 km/h sur plus de 33 heures. Le passage de l’oeil offre un court répit aux habitants, pour certains déjà surpris par l’évolution du phénomène, qui découvrent alors un paysage meurtri. Aux alentours de 18h, le passage en vigilance grise est décrété.
Irma aura finalement entraîné le décès de 136 personnes dont 11 à Saint-Martin ainsi que d’importants dommages aux infrastructures. Près de 95% du bâti de l’île ont ainsi été endommagés. Certains bâtiments, comme la médiathèque, la Préfecture ou bien encore 4 des 21 établissements scolaires recensés sur l’île sont aujourd’hui irrécupérables. Certaines services vitaux (télécommunications, eau, électricité) ont par ailleurs été interrompus provoquant un blackout de plusieurs heures sur l’île de Saint-Martin.
Dans le domaine de la gestion des risques, les RETEX permettent d’identifier les facteurs influençant les dynamiques de la crise, d’analyser les réponses associées et d’en mesurer l’efficacité. L’approche scientifique et pluridisciplinaire déployée dans le cadre du projet TIREX a été l’occasion d’aborder la question de l’organisation de gestion de crise à différents niveaux, du local au national pour les îles de Saint-Martin et Saint-Barthélemy.
Des entretiens, majoritairement réalisés en présentiel, ont été menés auprès de plusieurs acteurs clés de la gestion de la crise, un mois après le passage du cyclone Irma. En parallèle, plusieurs stratégies de recueil d’informations ont été mises en place :
Des missions de terrains régulières, en équipe pluridisciplinaire ;
Des discussions informelles auprès de personnels travaillant dans des infrastructures critiques ou en tant que commerçants.
Le suivi sur des temps plus longs, a été effectué grâce à des informations issues de la presse et des réseaux sociaux notamment sur le sujet de la reconstruction. Ces recherches documentaires ont également été complétées par la lecture de retours d’expériences antérieurs et de comptes rendus, notamment ceux rédigés par la délégation sénatoriale aux Outre-mer, ainsi que celui de la mission d’information sur la gestion des événements climatiques majeurs dans les zones littorales de l’Hexagone et des Outre-mer.
Enfin, plus récemment en novembre 2020, un focus groupe a été organisé auprès des acteurs locaux en place, afin d’identifier les apprentissages du retex; les améliorations effectives et les lacunes qui persistent.
Cette complémentarité des stratégies de recueils a permis de confronter les expériences individuelles des gestionnaires aussi bien dans les chaines de décision horizontale que verticale. Le travail d’équipe interdisciplinaire sur le terrain permet également d’éclairer cette recherche par les expériences vécues de la crise des populations (Defossez S. et Gherardi M., 2020).
Le vendredi 1er septembre, la compagnie de gendarmerie de Saint-Martin sensibilise l’ensemble des personnels au risque du passage de l’ouragan Irma.
Le dimanche 3 septembre, la cellule de crise a été activée.
Le lundi 4 septembre, le préfet de région organise une réunion de crise avec tous les acteurs concernés (gendarmerie nationale, police nationale, service départemental d’incendie et de secours (SDIS), armées). 57 militaires équipés de matériel de déblaiement et de chiens de recherche, 6 personnels de santé et 18 sapeurs-pompiers et une unité de purification d’eau ont été envoyés sur place.
Le 5 septembre, l’après-midi, les mesures de la phase rouge du plan cyclone sont activées en Guadeloupe et à Saint-Martin. Le COD de la préfecture de la région et celui de Saint-Martin sont constitués. En métropole, la CIC Beauvau est activée pour coordonner les renforts (elle restera active de façon continue jusqu’au 20 septembre) (Lariviere A., 2018).
Le mercredi 6 septembre, les services de l’Etat doivent se remettre en ordre de marche. Le nouveau COD est installé dans les locaux de la gendarmerie. La ministre des Outre-mer quitte Paris avec 72 personnels de la sécurité civile.
Parmi les nombreux renforts envoyés dès le 7 septembre, un état-major de gestion de crise 7 militaires du CPGC, est projeté ainsi qu’un détachement de 20 experts de l’IRCGN.
Le 9 septembre, l’état de catastrophe naturelle est décrété. Le même jour, l’ouragan José, plus au Nord, s’avère finalement sans effet direct sur Saint-Martin mais il interrompt les trafics aériens et maritimes pendant 24h, retardant l’arrivée de renforts sur zone.
Frise chronologique de la crise Irma à Saint-Martin : analyse des réponses territoriales
Cette frise chronologique synthétise les principaux événements marquants de la crise dans les phases d’anticipation et d’urgence. Elle s’étend depuis la détection du phénomène IRMA, le 30 aout 2017, jusqu’à la fin du mois de septembre 2017. En effet, la fermeture des centres d’accueil des familles sinistrées le 25 septembre 2017 marque une certaine stabilisation de la situation, notamment par la fin des départs massifs de la population et le pic du contingent sur l’île. Le 29 septembre est aussi une date seuil, puisqu’elle représente la date de l’inauguration de la nouvelle préfecture, un symbole important pour l’Etat. L’ancien bâtiment a été entièrement détruit à l’atterrissage d’IRMA le 6 septembre 2017 à Saint-Martin.
La frise interactive ci-dessous a été réalisée suivant différents types d’informations (annonces, actions opérationnelles, etc.) récoltées par plusieurs universitaires. Ce recueil permet de conserver un recensement assez précis sur la crise Irma. La compilation de ces données offre également, d’une part, une vue d’ensemble des évènements survenus près de trois ans après le passage d’Irma et, d’autre part à l’inverse, de pointer finement une information grâce au curseur de zoom.
Ouvrir la frise en pleine page
Une première phase de l’organisation post-cyclonique a consisté à gérer d’une part l’urgence en termes de prise en charge des personnes blessées, malades ou en détresse avec une évacuation vers la Guadeloupe, et d’autre part la sécurisation du territoire par l’arrivée massive des forces de l’ordre.
La deuxième phase est basée sur le nettoyage des débris, encombrants et déchets transportés par l’ouragan, le ravitaillement en eau, nourriture et matériaux, l’organisation des départs volontaires des touristes ou résidents qui attendent de quitter le territoire, ainsi que la remise en état des réseaux d’eau et assainissement et d’électricité.
La phase 3 concerne la reconstruction du territoire, le retour à la vie normale pour la population et les entreprises, à travers des mesures d’accompagnement définies dans le cadre d’un partenariat Etat/COM.
La manœuvre de gestion de crise cesse début décembre. Le temps de la gestion de crise dure du 5 septembre au 30 novembre 2017. Le 30 novembre est le jour où le commandant de la compagnie de Saint-Martin (LCL Manzoni) a retrouvé la plénitude de son commandement. Jusqu’alors, il s’agissait d’un fonctionnement en groupement missionnel commandé par le Général Descoux : il n’y avait plus de brigade, plus de section de recherches, plus de PSIG, mais une commande par l’Etat major tactique IRMA sur place (Lariviere A., 2018). |
Pour plus d’informations contacter Delphine Grancher, directrice du mémoire d’ A. Lariviere.
La caserne du SDIS est sinistrée, l’hôpital a le toit arraché, les pistes de l’aéroport sont inutilisables. Les réseaux d’infrastructures (eau, électricité, téléphone) sont coupés. La mer encore trop agitée, ne permet pas de recevoir des bateaux, ce qui complique l’arrivée des renforts extérieurs. Un grand nombre de commerces a subi des dégâts importants qui les rendent vulnérables aux pillages. L’ouragan a provoqué des inondations dans les zones basses et a créé des obstacles multiples sur l’ensemble du réseau routier limitant ou empêchant la progression en véhicule.
Les pompiers de Saint-Martin, appuyés par les 40 FORMISC (Régiment d’Instruction et d’Intervention de la Sécurité Civile) sont immédiatement chargés après l’ouragan de dégager l’axe routier reliant le quartier de la Savanes et la préfecture. Des équipes mixtes de sécurité-civile et de gendarmerie sont immédiatement constituées pour dégager la N7. Cette route nationale qui ceinture la partie française de l’île, a été déblayée en une journée avec l’aide des populations.
Au 28 septembre 2017, 90% des axes routiers étaient nettoyés. La collectivité a été aidée par l’armée pour ce déblaiement. Le déblaiement et le nettoyage d’urgence des espaces publics a commencé le 11 septembre et s’est terminé le 6 octobre 2017 (Communiqué du 3 aout 2017, journal Le Pélican).
La centrale électrique est quant à elle peu endommagée. La pénétration d’eau de mer dans l’enceinte de cette installation a endommagé des circuits électriques, et la force des vents a dégarni l’enveloppe d’une des cheminées. En revanche, les installations du réseau de distribution électrique sont fortement touchées.
La centrale électrique de Saint-Martin
Du 4 septembre au 18 octobre 2017, EDF a approvisionné l’île avec 150 groupes électrogènes, reconstruit des lignes aériennes et réparé la centrale électrique. Dès le 8 septembre, une réalimentation en électricité d’urgence a été rétablie sur les sites prioritaires des deux îles (hôpital, usine de dessalement ou aéroport). En cinq semaines, le groupe avait raccordé la totalité des foyers à l’électricité.
Sur le plan des communications, plus aucune antenne ne fonctionne. Les principaux vecteurs de transports et d’acheminement de l’île, que sont le port de tourisme de Marigot, le port de commerce de Galisbay et l’aéroport de Grand-Case Esperance ont subi des dégâts plus ou moins importants.
Au lendemain de la catastrophe, le port de Galisbay est la seule infrastructure portuaire opérationnelle de l’île en capacité de recevoir les secours extérieurs, ses capacités d’accueil et de déchargement restent néanmoins limitées.
Sur la partie française de l’île de Saint-Martin, près de 180 infrastructures critiques ont été recensées. Le temps moyen d’interruption tout type d’infrastructures confondues a été de 67 jours soit un peu plus de 2 mois. Si on exclut les infrastructures sportives, le temps moyen d’interruption est de 53 jours soit près d’un mois et demi.
Ces structures sont définies comme :
“Point du système ou une partie de celui-ci, […], qui est indispensable au maintien des fonctions vitales de la société, de la santé, de la sûreté, de la sécurité, et du bien-être économique ou social des citoyens, et dont l’arrêt ou la destruction aurait un impact significatif […] du fait de la défaillance de ces fonctions” (Conseil de l’Union Européenne, 2008)
Temps d’interruption des infrastructures critiques de Saint-Martin
Le tableau de bord ci-dessous présente les types d’infrastructures critiques et leur localisation et donne un temps moyen d’interruption par catégorie. Les temps moyens d’interruption sont calculés uniquement sur les valeurs connues soit 82 entités sur 183. Les abris cycloniques ont volontairement été retirés de cette analyse étant donné leur rôle spécifique pendant la crise. Les infrastructures sportives ont été intégrées car certaines ont eu un rôle de décharge et d’entreposage dans la gestion des débris. Elles ont mis plus de 6 mois à rouvrir et accueillir du public (LGP : Duvernet L., 2019).
En temps normal, il existe des liens fonctionnels entre ces infrastructures critiques, c’est-à-dire qu’elles sont connectées entres elles par un réseau de dépendances.
En période de crise, la situation de déséquilibre provoque l’apparition de nouvelles connexions entre les infrastructures critiques. 78 liens de dépendances fonctionnels viennent différencier les deux situations lors de la crise Irma à Saint-Martin. Le Centre Opérationnel Départemental (COD) en préfecture devient la structure référente en période de crise. L’hôpital est au centre des besoins vitaux et les forces de l’ordre notamment la gendarmerie, est le premier service sur sollicité.
La gestion de crise IRMA aura mobilisé une quantité et une diversité d’acteurs de la gestion de crise sans précédent en l’espace de quelques jours : sapeurs-pompiers, militaires de la gendarmerie et de la sécurité civile, agents de l’Etat, personnels de santé, personnels des forces armées, association/ONG, grands opérateurs réseaux (eau potable, électricité, télécommunication).
Les défis relevés par les personnels déployés sur le terrain et les chaînes de commandement ont été nombreux.
Au total, près de 3 000 fonctionnaires du ministère de l’Intérieur et bénévoles de la sécurité civile ont été mobilisés dans les îles du Nord. Outre ce déploiement humain, un important pont aérien et maritime a été mis en place, permettant de transporter :
Enfin, la collectivité de Saint-Martin a tenu un rôle majeur dans la gestion de cette crise.